Diwan : la reconquête linguistique en marche

Diwan : la reconquête linguistique en marche

Tout commence il y a plus de vingt ans lors de l’ouverture de la première école maternelle Diwan avec 16 élèves. Les locaux sont exigus, le matériel pédagogique limité, les moyens financiers restreints mais l’enthousiasme est déjà là.

Publié le 13/04/2006
Modifié le 23/05/2018
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A vrai dire, le manque de moyens n'est pas le pire des obstacles. Il y a d’abord l'administration qui voit d'un mauvais œil une école qui ne se laisse pas enfermer dans les catégories habituelles et que l'on soupçonne d'arrière-pensées politiques troubles. Il y a aussi surtout le complexe tenace qui pèse sur la langue bretonne, considérée comme une langue sans utilité ni avenir. Ces parents, qui tiennent à ce que leurs enfants parlent breton, font figure de marginaux voire d'illuminés. Bien entendu, l'hypothèse d'une quelconque reconnaissance officielle n’est envisagée par personne.

Une subvention annuelle de 1,25 MF 

Elle surviendra pourtant quoique de façon fort timide, en 1983. Le 27 octobre de cette année-là est signée, conjointement par Diwan et le ministère de l'Education nationale, une convention attribuant une subvention annuelle de 1,25 million de francs à Diwan et mettant en place une commission d’évaluation bipartite. Il faut dire qu'entre temps le nombre des élèves est passé de 16 à 223. Cette convention marque le début d'une période où les rapports de l'école bretonnante avec l’administration seront parfois difficiles, et il faudra tout le soutien des élus locaux pour que, peu à peu, se dessinent des voies de compromis.

C'est ainsi qu’en 1987 une délégation du Conseil régional, conduite par François Jarry, président de la Commission culturelle, intervient auprès de René Monory, alors ministre, pour trouver une solution permettant d’assurer la pérennité de Diwan et de son système éducatif. Cette intervention arrivera d’ailleurs à point nommé puisque, en septembre 1988, Diwan ouvre son premier collège, le « Skolaj Roparzh Hemon », au Relecq-Kerhuon.

Les écoliers Diwan pourront ainsi poursuivre leur scolarité bretonnante dans le secondaire. D'autres difficultés, financières, interviendront ensuite.

Un projet pédagogique original

En octobre 1993, le tribunal de grande instance de Quimper prononcera la mise en redressement de l'association Diwan pour cause de dette sociale. Mais cette année reste néanmoins à marquer d’une pierre blanche avec la décision de François Bayrou, ministre de l'Education Nationale du gouvernement Balladur, de proposer à Diwan le système du contrat d'association qui permettra de titulariser les enseignants et de financer le fonctionnement des établissements. En juillet 1994, un protocole d'accord avec le ministre précisera le calendrier de la mise sous contrat d'association.

Aujourd'hui, Diwan dispose de trois collèges et de deux lycées. L'ensemble de ces établissements scolarise 1.800 élèves contre 1.394 en septembre 1995. Ils couvrent les cinq départements bretons, avec notamment une maternelle et une primaire à Rennes, une maternelle et une primaire à Saint-Nazaire ainsi que deux maternelles et une primaire à Nantes. C’est peu, sans doute, comparé à la totalité de la population bretonne, mais c’est déjà énorme quand on songe à tous les efforts déployés jadis pour éradiquer le 'brezhoneg'.

Précocement bilingues

Réaliser 'un système d'enseignement permettant l'utilisation du breton comme langue véhiculaire de la maternelle à l’université'. Tel est l'un des premiers objectifs de Diwan. Dans cette optique, la langue bretonne, loin d'être une langue du passé, est considérée comme 'un outil moderne de pensée, d'expression et de communication'. C'est assez dire que Diwan ne se définit nullement comme passéiste ou nostalgique mais aborde résolument un point de vue humaniste. En fait, il ne s'agit pas de former des jeunes dont le breton serait la seule et unique langue mais de leur donner les moyens d'être pleinement et précocement bilingues.

Les écoliers Diwan doivent posséder une égale compétence en breton et en français à la fin de l'école primaire. Bien entendu, cela veut dire également un niveau égal à celui des élèves de l’enseignement monolingue.

Cet apprentissage du bilinguisme passe d’abord par une stratégie de l'immersion. Le breton est la langue d’enseignement mais aussi la langue de vie de l’établissement. Cette méthode de l’immersion s’inspire des expériences réalisées avec succès au Canada mais aussi en Catalogne ou au Val d’Aoste.

Concrètement, l’enseignement est monolingue en maternelle et au cours préparatoire. Les enseignants n'utilisent en principe que le breton, excepté dans le cas des enfants venus de familles non bretonnantes. En ce qui concerne l’école élémentaire, le français est introduit dès le CE1 (à raison de deux heures par semaine), pour occuper neuf heures en CM2. Cette introduction progressive répond à la nécessité de compenser le déséquilibre entre les deux langues dans la vie extra-scolaire.

Les programmes de l'Education Nationale

Bien entendu, les programmes sont ceux de l'Education Nationale, quelle que soit la langue d’enseignement. Cette inspiration trouve son épanouissement aux deux collèges Diwan (Roparzh Hemon et collège de Plésidy) ainsi qu'au lycée. La règle générale pour le secondaire est : un tiers de français, deux tiers de breton.

Sont enseignés en breton : l'histoire, la géographie, la physique, les sciences naturelles et les mathématiques, de même que le sport, le dessin, la musique et... l'informatique. Au français reviennent : l'instruction civique, la technologie et, partiellement, les mathématiques et l'informatique.

Bien entendu, les langues étrangères ne sont pas oubliées. L'apprentissage de l’anglais, mené par des professeurs anglophones dès la sixième, permet de faire de l'anglais la troisième langue d’enseignement dès la quatrième. Diwan propose en outre des échanges avec un collège gallois ainsi que des séjours en Grande-Bretagne. Bien entendu, en quatrième, les élèves peuvent prendre comme deuxième langue étrangère l’allemand ou l'espagnol. Enfin, il convient de signaler qu'au collège et au lycée - l'internat étant la règle - de véritables animateurs éducateurs assurent le suivi du travail personnel mais aussi des animations et des activités para-scolaires.

Un combat toujours recommencé

Diwan a conquis définitivement sa place dans le système éducatif breton. En témoigne l'augmentation quasi constante du nombre des élèves depuis sa création. Ses établissements apportent aujourd'hui la preuve qu'un système bilingue permet à l’élève un meilleur épanouissement personnel, une plus grande ouverture d'esprit mais aussi une meilleure maîtrise des mécanismes du langage et de la communication.

La leçon a d’ailleurs été comprise puisque, depuis plusieurs années, on assiste à une montée en puissance des classes bilingues, aussi bien dans l’enseignement public que dans l’enseignement privé. Il faut croire que le projet Diwan était dans l’air du temps.

Mais l'enjeu est aussi économique. La langue bretonne peut générer de l'emploi. Elle en génère déjà avec, outre l'enseignement, l'édition en breton, la musique, le tourisme culturel et l’audiovisuel. L'argent consacré à Diwan n'est pas précisément perdu par la collectivité.

L’essentiel réside dans l'émotion qu’éprouve tout bretonnant à entendre un enfant parler la langue de notre pays.

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