Tout commence il y a plus de vingt ans lors de louverture de la première école maternelle Diwan avec 16 élèves. Les locaux sont exigus, le matériel pédagogique limité, les moyens financiers restreints mais lenthousiasme est déjà là.
A vrai dire, le manque de moyens n'est pas le pire des obstacles. Il y a dabord l'administration qui voit d'un mauvais œil une école qui ne se laisse pas enfermer dans les catégories habituelles et que l'on soupçonne d'arrière-pensées politiques troubles. Il y a aussi surtout le complexe tenace qui pèse sur la langue bretonne, considérée comme une langue sans utilité ni avenir. Ces parents, qui tiennent à ce que leurs enfants parlent breton, font figure de marginaux voire d'illuminés. Bien entendu, l'hypothèse d'une quelconque reconnaissance officielle nest envisagée par personne.
Une subvention annuelle de 1,25 MF
Elle surviendra pourtant quoique de façon fort timide, en 1983. Le 27 octobre de cette année-là est signée, conjointement par Diwan et le ministère de l'Education nationale, une convention attribuant une subvention annuelle de 1,25 million de francs à Diwan et mettant en place une commission dévaluation bipartite. Il faut dire qu'entre temps le nombre des élèves est passé de 16 à 223. Cette convention marque le début d'une période où les rapports de l'école bretonnante avec ladministration seront parfois difficiles, et il faudra tout le soutien des élus locaux pour que, peu à peu, se dessinent des voies de compromis.
C'est ainsi quen 1987 une délégation du Conseil régional, conduite par François Jarry, président de la Commission culturelle, intervient auprès de René Monory, alors ministre, pour trouver une solution permettant dassurer la pérennité de Diwan et de son système éducatif. Cette intervention arrivera dailleurs à point nommé puisque, en septembre 1988, Diwan ouvre son premier collège, le « Skolaj Roparzh Hemon », au Relecq-Kerhuon.
Les écoliers Diwan pourront ainsi poursuivre leur scolarité bretonnante dans le secondaire. D'autres difficultés, financières, interviendront ensuite.
Un projet pédagogique original
En octobre 1993, le tribunal de grande instance de Quimper prononcera la mise en redressement de l'association Diwan pour cause de dette sociale. Mais cette année reste néanmoins à marquer dune pierre blanche avec la décision de François Bayrou, ministre de l'Education Nationale du gouvernement Balladur, de proposer à Diwan le système du contrat d'association qui permettra de titulariser les enseignants et de financer le fonctionnement des établissements. En juillet 1994, un protocole d'accord avec le ministre précisera le calendrier de la mise sous contrat d'association.
Aujourd'hui, Diwan dispose de trois collèges et de deux lycées. L'ensemble de ces établissements scolarise 1.800 élèves contre 1.394 en septembre 1995. Ils couvrent les cinq départements bretons, avec notamment une maternelle et une primaire à Rennes, une maternelle et une primaire à Saint-Nazaire ainsi que deux maternelles et une primaire à Nantes. Cest peu, sans doute, comparé à la totalité de la population bretonne, mais cest déjà énorme quand on songe à tous les efforts déployés jadis pour éradiquer le 'brezhoneg'.
Précocement bilingues
Réaliser 'un système d'enseignement permettant l'utilisation du breton comme langue véhiculaire de la maternelle à luniversité'. Tel est l'un des premiers objectifs de Diwan. Dans cette optique, la langue bretonne, loin d'être une langue du passé, est considérée comme 'un outil moderne de pensée, d'expression et de communication'. C'est assez dire que Diwan ne se définit nullement comme passéiste ou nostalgique mais aborde résolument un point de vue humaniste. En fait, il ne s'agit pas de former des jeunes dont le breton serait la seule et unique langue mais de leur donner les moyens d'être pleinement et précocement bilingues.
Les écoliers Diwan doivent posséder une égale compétence en breton et en français à la fin de l'école primaire. Bien entendu, cela veut dire également un niveau égal à celui des élèves de lenseignement monolingue.
Cet apprentissage du bilinguisme passe dabord par une stratégie de l'immersion. Le breton est la langue denseignement mais aussi la langue de vie de létablissement. Cette méthode de limmersion sinspire des expériences réalisées avec succès au Canada mais aussi en Catalogne ou au Val dAoste.
Concrètement, lenseignement est monolingue en maternelle et au cours préparatoire. Les enseignants n'utilisent en principe que le breton, excepté dans le cas des enfants venus de familles non bretonnantes. En ce qui concerne lécole élémentaire, le français est introduit dès le CE1 (à raison de deux heures par semaine), pour occuper neuf heures en CM2. Cette introduction progressive répond à la nécessité de compenser le déséquilibre entre les deux langues dans la vie extra-scolaire.
Les programmes de l'Education Nationale
Bien entendu, les programmes sont ceux de l'Education Nationale, quelle que soit la langue denseignement. Cette inspiration trouve son épanouissement aux deux collèges Diwan (Roparzh Hemon et collège de Plésidy) ainsi qu'au lycée. La règle générale pour le secondaire est : un tiers de français, deux tiers de breton.
Sont enseignés en breton : l'histoire, la géographie, la physique, les sciences naturelles et les mathématiques, de même que le sport, le dessin, la musique et... l'informatique. Au français reviennent : l'instruction civique, la technologie et, partiellement, les mathématiques et l'informatique.
Bien entendu, les langues étrangères ne sont pas oubliées. L'apprentissage de langlais, mené par des professeurs anglophones dès la sixième, permet de faire de l'anglais la troisième langue denseignement dès la quatrième. Diwan propose en outre des échanges avec un collège gallois ainsi que des séjours en Grande-Bretagne. Bien entendu, en quatrième, les élèves peuvent prendre comme deuxième langue étrangère lallemand ou l'espagnol. Enfin, il convient de signaler qu'au collège et au lycée - l'internat étant la règle - de véritables animateurs éducateurs assurent le suivi du travail personnel mais aussi des animations et des activités para-scolaires.
Un combat toujours recommencé
Diwan a conquis définitivement sa place dans le système éducatif breton. En témoigne l'augmentation quasi constante du nombre des élèves depuis sa création. Ses établissements apportent aujourd'hui la preuve qu'un système bilingue permet à lélève un meilleur épanouissement personnel, une plus grande ouverture d'esprit mais aussi une meilleure maîtrise des mécanismes du langage et de la communication.
La leçon a dailleurs été comprise puisque, depuis plusieurs années, on assiste à une montée en puissance des classes bilingues, aussi bien dans lenseignement public que dans lenseignement privé. Il faut croire que le projet Diwan était dans lair du temps.
Mais l'enjeu est aussi économique. La langue bretonne peut générer de l'emploi. Elle en génère déjà avec, outre l'enseignement, l'édition en breton, la musique, le tourisme culturel et laudiovisuel. L'argent consacré à Diwan n'est pas précisément perdu par la collectivité.
Lessentiel réside dans l'émotion quéprouve tout bretonnant à entendre un enfant parler la langue de notre pays.