1852. Une allégorie signée Hamon

1852. Une allégorie signée Hamon

Peintre de genre néo-grec, le Breton Jean-Louis Hamon va connaître un certain succès sous le Second Empire. Avant de retomber dans un quasi-oubli.

Publié le 14/10/2008
Modifié le 24/05/2018
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C'est bien loin de sa Bretagne natale, au Musée Magnin de Dijon, qu'est exposé « Autoportrait », représentation de lui-même réalisée par Jean-Louis Hamon. Une pièce qui appartenait autrefois à la veuve d'Auguste Toulmouche, peintre nantais et ami. Lorsqu'en 1874, Jean-Louis Hamon s'éteint à Saint-Raphaël où il s'était fixé, « la France comprit qu'elle perdait en lui un de ses meilleurs artistes », souligne Charles Le Goffic. « Je doute fort (...) que sa perte ait été aussi vivement ressentie en Bretagne », poursuit-il dans la revue Minerva en 1902. Quatre ans plus tard, dans la ville du peintre, né à Plouha en 1821, est érigé un monument commémoratif. Un siècle plus tard, de cet artiste, les musées bretons ne possèdent rien. Ou si peu.

Un artiste sensible

Aux Beaux-Arts de Quimper, « L'amour et son troupeau », « composition assez saisissante, et dont l'ensemble est des plus satisfaisants », note Alfred de Tanouarn dans « L'Artiste », est attaquée par le temps. A Nantes, sont conservés « La jeune mère » et « L'Escamoteur, le quart d'heure de Rabelais ». Cette grande toile, exposée dans la galerie des peintres du XXe siècle, met en scène d'« élégantes figures de femmes qui admirent la grimace du joueur de gobelets parisien ». Présentée au Salon des artistes français de 1861 et achetée cette même année par la ville de Nantes, elle témoigne de la sensibilité de l'artiste. Quant au musée de Saint-Brieuc, il y dort deux tableaux dans ses réserves. Le premier, « Femmes romaines », témoigne de son goût pour les sujets antiques. Le second, quelque peu dégradé, Jean-Louis Hamon l'a peint peu de temps avant de mourir. « Portrait de mon père », représente le père de l'artiste, Yves Gilles Hamon.

Maître de dessins

Cordonnier originaire de Pluzenet, Yves Gilles Hamon réside, avec son épouse et ses trois enfants, à Plouha. Mais dans ce petit village des Côtes-du-Nord, où la famille vit modestement dans une petite chaumière, le jeune enfant ne se montre guère attiré pour les études, « préférant musarder dans les champs et la campagne », note Cécile Ritzenthaler. Lorsqu'Yves Gilles Hamon est nommé préposé des douanes, la famille le suit à Saint-Malo puis à Lannion. C'est dans cette dernière paroisse que les talents artistiques du jeune Jean-Louis, qui n'a de cesse d'illustrer « de croquis rapides, de fantaisies originales les marges de ses cahiers », sont remarqués par le curé. Placé chez les frères de l'Instruction Chrétienne, le garçon est nommé maître de dessins. Mais la vie monacale ne lui convient guère. Aussi décide-t-il de quitter l'Institution pour Paris et les Beaux-Arts. Avec pour tout pécule, une bourse de 500 francs allouée par le département. En cette année 1841, le jeune Breton, qui ne connaît rien de la Capitale, n'a qu'une idée en tête : intégrer l'atelier d'Ingres. Mais en l'absence de celui-ci, directeur de la Villa Medicis à Rome depuis six ans, Jean-Louis Hamon est orienté vers l'atelier de Paul Delaroche, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts et membre de l'Institut. C'est auprès de lui qu'il entame son apprentissage. Jusqu'à se présenter, en 1844, au prix de Rome. Mais s'il est reçu à l'épreuve de l'esquisse, il échoue à celle de la figure. Qu'importe. Sa détermination est intacte. Pourtant, le nouvel échec qu'il connaît l'année suivante lui est difficilement supportable. Seule l'amitié que lui porte alors Charles Gleyre, qui a pris la suite de Paul Delaroche, l'empêchera de raccrocher. S'il continue à fréquenter l'atelier de Gleyre, Gérôme qui, comme lui, fut élève de Delaroche, lui prête de temps en temps le sien. Là, au 9 rue de Fleurus, Jean-Louis Hamon fait la connaissance de deux peintres nantais, Henri-Pierre Picou et Auguste Toulmouche. Dans ce lieu propice, le Costarmoricain compose « Daphnis et Chloé » qu'il présente au Salon de 1847. L'accueil réservé au tableau est de bon augure. Surtout, ce premier succès marque, avec « Combat de coq » de Gérôme, le début de l'école néo-grecque, mouvement qui vise à retrouver une pureté originale et dont Hamon sera un des chefs de file. Si « Le tombeau du Christ », présenté l'année suivante connaît un certain succès, il n'en est pas de même pour son « Perroquet jasant avec deux jeunes filles » ou « Une affiche romaine ». « L'idée en est originale, et l'exécution assez dramatique », note Alfred de Tanouarn. Aussi, accepte-t-il une place de décorateur à la manufacture de Sèvres. Poste qu'il va occuper pendant près de cinq années, réalisant avec talent diverses ornementations. Mais, fort du succès qu'il rencontre lors de l'Exposition internationale de Londres de 1851, Jean-Louis Hamon décide de renvoyer une oeuvre au Salon de 1852.

Popularisé par la gravure

L'accueil réservé à « La comédie humaine » est alors immense. Cette toile, qui « le fit célèbre du jour au lendemain », écrit Charles Le Goffic, mélange « costumes modernes et vêtements antiques ». Achetée par l'Etat, exposée au Musée du Luxembourg, cette allégorie de la vie est aujourd'hui visible au Musée d'Orsay. L'année suivante, « Ma soeur n'y est pas » rencontre une nouvelle fois l'adhésion du public. Achetée par l'impératrice Eugénie, la toile « reproduite par le burin de Levasseur » va connaître une large diffusion. Présent au Salon chaque année, Hamon reçoit plusieurs médailles lors d'expositions. En 1855, il présente « Les orphelins » et « Ce n'est pas moi », popularisés par les lithographies de Sirouy et Aubert. Et, reconnaissance suprême, il est également élevé au grade de chevalier de la Légion d'honneur. L'artiste est alors au sommet de sa gloire. Si l'artiste affectionne tout particulièrement les allégories, celles-ci sont « d'une compréhension difficile ». « Cette bizarre composition garde toujours son secret », constate ainsi Théophile Gautier à propos de la « Comédie humaine ». Moqué, surnommé « La mère Gigogne », Hamon répond en composant des fantaisies comme « Saison des papillons » ou « Boutique à quatre sous » pour lesquels l'accueil est réservé.

Le succès à... Rome !

« En cherchant ce qui est nouveau, on ne rencontre que ce qui n'est que bizarre. » Décrié, accusé de bégayer sa peinture, Jean-Louis Hamon ne rencontre désormais qu'indifférence. Désabusé, il n'en est pas moins soutenu par les siens. Toulmouche le convie dans son atelier de Nantes. Mais le succès le fuyant toujours, sa soeur Céleste qui, « après la mort de son frère » se fera « l'attentive gardienne de sa mémoire », le pousse à partir pour Rome. Là, il va d'ailleurs renouer avec le succès alors qu'en France, la critique n'est pas tendre. Ainsi, lorsqu'il expose « Les Muses à Pompéi » au Salon de 1866, Zola considère même que la peinture de Roybet, déjà piètre artiste à ses yeux, est « plus solide assurément que celle de M. Hamon ». Désormais, la vie de l'artiste se partage entre sa Bretagne natale, Paris, Rome et Capri. C'est là qu'à 51 ans, il se marie. C'est là surtout que lui vient l'idée de « Triste rivage », un tableau auquel il donne corps dans sa maison de Saint-Raphaël qu'il vient de faire construire et dont il en a assuré la décoration. Présenté au Salon de 1873, cette peinture est même considérée par Charles Le Goffic comme « sa page maîtresse ». Sa dernière.

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