1540 : Naissance du château du Taureau

1540 : Naissance du château du Taureau

Bâtiment emblématique de Morlaix et de sa baie, le Château du Taureau, qui doit son nom aux mugissements de la mer sur les brisants a constitué, durant trois siècles, un élément stratégique de protection et de défense.

Publié le 16/07/2007
Modifié le 16/05/2018
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En fait de château, du moins tel qu'on conçoit à présent ce type de demeure avec de longues allées, des jardins et des bois tout autour, disonsplutôt qu'il s'agit d'une forteresse, d'une bastille. En témoignent, d'ailleurs, les fonctions qui lui ont été dévolues tout au long de son histoire, depuis ses origines en 1540 jusqu'à son déclassement en 1889. Mais que se passe-t-il donc en cette première moitié du XVI e siècle pour que Morlaix éprouve le besoin de se protéger en défendant ses accès par la rivière ? Tout simplement que la prospérité du port, d'où partent les pièces de toile tissées dans l'arrière-pays grâce à la culture du lin et du chanvre, suscite des convoitises et qu'il convient de se prémunir contre d'éventuels prédateurs. Ce qui a été le cas, du reste, en 1522 où la ville a été mise à sac par des pillards venus d'Outre-Manche. D'où la nécessité, pour les bourgeois morlaisiens, d'édifier à l'entrée de la rade une sentinelle dissuasive, en l'occurrence une tour à canon qui sera englobée ultérieurement dans une enceinte fortifiée. E l'initiative de Vauban, maréchal de France, dans le contexte de guerre ouverte au début du XVIII e siècle contre l'Angleterre et ses alliés, la forteresse revêtira, cette fois, un caractère purement militaire.

Halte aux Anglais

La construction s'étalera, en fait, sur une soixantaine d'années, période durant laquelle la citadelle devra non seulement faire face aux menaces d'invasion par la mer, mais aussi aux expéditions des corsaires de la marine anglaise contre les caboteurs, qui approvisionnent en particulier le port de Brest en vivres et matériaux nécessaires à la flotte. C'est d'ailleurs ce qu'expliquera, en 1829, le capitaine d'état-major Cormier pour justifier la présence, sur le rocher du Taureau, des fortifications portant son nom. « Nos rivalités d'intérêts avec l'Angleterre et notre position géographique sur la Manche font que notre marine doit se tenir en permanence sur la défensive », indique-t-il en substance. L'homme chargé des travaux en 1689 par Vauban est Siméon Garangeau auquel a été confié précédemment l'aménagement des remparts de Saint-Malo et d'autres ouvrages du même type dans la région.

Des îlots fournissent le granite

L'expert militaire de Louis XIV dit le plus grand bien de lui : « C'est un ingénieur entendu et pleinement informé de ce qu'il faut faire ». D'où sa nomination au poste de directeur des fortifications de Haute-Bretagne. Concernant l'agrandissement du fort du Taureau, son travail sera facilité par la présence aux alentours de nombreux îlots enfermant le granite nécessaire. Bien que décédé à l'âge de 94 ans, Garangeau ne verra hélas pas l'achèvement de son plan. L'architecte du roi Amédée-François Frézier supervisera, à partir de 1741, les travaux jusqu'à leur terme quatre ans plus tard. Il s'agit alors d'édifier sur deux étages un corps de bâtiment à l'épreuve des explosifs et comprenant notamment des logements pour le commandant et les officiers.

Un confort spartiate

Mais, en définitive, l'affectation des pièces du premier étage sera différente de celle initialement prévue. Elles serviront, en réalité, de cellules aux prisonniers écroués sur ordre du roi. Des geôles où le confort est des plus spartiates. Le canal d'évacuation des latrines, comportant un siège à lunette, ne remplit que partiellement ses fonctions. S'y ajoutent les dégradations causées par la mer à l'ensemble de l'édifice, véritable vaisseau de pierre au milieu, parfois, des vagues déchaînées. Lors d'une visite, l'Intendant de Bretagne constate que les escaliers conduisant à la plate-forme sont « dégouttants d'eau, les voûtes et les murailles remplies de salpêtre et les toitures prêtes à tomber ».

Querelles de gouverneurs

Si l'état du Château du Taureau laisse franchement à désirer sur son récif, sa gouvernance n'en est pas moins l'objet de fréquentes querelles inntestines du fait des bénéfices qui lui sont attachés. Tombé en 1660 dans l'escarcelle du Roi-Soleil qui fait de la défense des côtes une affaire d'Etat, il voit se succéder à sa tête nombre de gouverneurs pour qui cette place forte représente une véritable sinécure. Sous leurs ordres, opèrent des officiers chargés du commandement de la garnison et rétribués sur les 10.000 livres d'impôts versées par la communauté de la ville de Morlaix. Leur rôle consiste à surveiller les vaisseaux et les bâtiments de guerre de passage dans la baie. Dans un rapport daté de 1735, l'architecte Garangeau brosse un tableau pas très reluisant des effectifs. Les soldats, à cette époque, sont « vêtus comme des paysans et recrutés au hasard ». Le lieutenant, un « quidam peu recommandable » cumulant ses fonctions avec celle de garde-chasse, augmente, paraît-il, ses émoluments en enrôlant les fils de riches cultivateurs menacés par le tirage au sort des conscrits et en leur octroyant la permission de rentrer chez eux moyennant quelques écus.

Des prisonniers huppés

Après avoir tenu successivement les rôles de vigie et de moyen de défense, le Château du Taureau se reconvertit en prison sur ses vieux jours. Y seront détenus des personnages de différentes conditions pour des raisons d'ordre politique ou judiciaire : gentilshommes ou mauvais sujets. Ainsi trouve-t-on sur la liste des « pensionnaires », le comte de Trévou, natif de Ploujean, enseigne de vaisseau et chevalier de Saint-Louis, accusé de « traitements barbares » sur les marins de la corvette « Le Papillon » qu'il commandait. Embastillé au Taureau en 1791 sur décision du Roi, l'officier de marine s'en évada juste avant l'accomplissement total de sa peine au moyen d'une corde faite de draps noués. Il fut retrouvé mort sur la grève de Térénez en janvier 1793. Autre personnalité notoire incarcérée au Château : le sieur Dessonville lieutenant de vaisseau à Brest. Il lui était reproché de vivre avec une « fille publique » à Recouvrance. Sa conduite « crapuleuse et déshonorante » en prison ne fit, hélas, qu'aggraver son cas. Un jour il s'emporta contre l'un des chefs et le passa à tabac. De sorte qu'il dut être transféré sous bonne escorte à la maison de force d'Angers.

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