1665. Le Tro Breizh de Charles Colbert

1665. Le Tro Breizh de Charles Colbert

À la demande de Louis XIV, le marquis de Croissy Charles Colbert entreprend, en 1665, un voyage en Bretagne pour s'enquérir de l'état des fortifications. En fait, son attention se portera surtout sur les crimes impunis dans les juridictions.

Publié le 26/02/2007
Modifié le 20/03/2018
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Charles Colbert

Il ne possède ni la stature ni l'ascendant de son frère, Jean-Baptiste, dont il est le cadet de deux ans. Sans doute non plus n'en a-t-il pasl'ambition. Néanmoins, Charles Colbert de Croissy représente un personnage important du royaume. Il a exercé, tout au long de son parcours politique, diverses fonctions de haut rang dont celle de diplomate, qui a mis un terme à sa carrière peu de temps avant sa mort. Nommé commissaire du roi aux Etats de Bretagne en 1665, c'est à ce titre que, cette année-là, il est chargé par le souverain d'effectuer une visite des principales villes de la province, gouvernée, à la demande de Richelieu, par le marquis de la Meilleraye. La mission consiste essentiellement à s'informer sur leurs moyens d'existence et, éventuellement, de défense dont elles disposent tandis que perdurent les tensions avec plusieurs autres pays voisins, l'Espagne et l'Angleterre en particulier. Mais, en définitive, c'est une toute autre tâche qui retiendra principalement son intérêt, celle de vérifier l'application des lois en matière de répression criminelle. Sur ce point, il sera particulièrement édifié par le laxisme des tribunaux judiciaires à l'égard de la noblesse.

Saint-Brieuc : l'évêque mal aimé

Venant de Vitré, où il a assisté aux Etats de Bretagne, Charles Colbert arrive, en compagnie du duc Mazarini, lieutenant-général au gouvernement de la province, le 24 septembre à Fougères. En premier lieu, il constate les violences exercées par certains gentilshommes et la mauvaise foi de procureurs qu'il qualifie de « fripons ». Il dresse d'ailleurs un inventaire sans complaisance de plusieurs crimes impunis et fait lui-même arrêter un assassin. Même observation, le lendemain, à Dol, où il brosse un tableau peu flatteur de la noblesse du comté. Non seulement nombre de ses représentants cherchent à s'emparer des biens de l'Eglise et à usurper des droits de haute justice, mais en plus ils se livrent à la boisson. Exemple : le sieur de Troidio, contraint par sa mauvaise conduite à vendre ses propriétés, ce dont profitent les bourgeois de Saint-Malo, nettement plus sérieux. Colbert note, du reste, qu'ici le commerce est prospère et les remparts bien entretenus. Ce qui n'est pas le cas de Saint-Brieuc, dénué de fortifications, et dont les habitants vivent chichement, faute d'importantes manufactures. Qui plus est, ils n'éprouvent que peu d'estime pour leur évêque auquel ils reprochent son caractère « aigre et chicaneur ». E Tréguier, le commissaire du roi ne trouve, en somme, rien à redire, sinon que la pompe à eau publique ne fonctionne pas et que la population, hormis les particuliers possédant des puits, se trouve ainsi privée d'eau potable depuis une vingtaine d'années. Quant à la paroisse voisine de Lannion, Colbert ne tarit pas d'éloges à son sujet. Il se félicite notamment de l'extrême probité du gentilhomme qui en a la charge. Le sieur de Bornan ne revendique aucun droit ni logement.

Morlaix : des juges partiaux

Mais voilà que les choses se gâtent à nouveau le lendemain lors d'une inspection à la juridiction royale de Morlaix. Si les crimes impunis sont relativement peu nombreux, en revanche, il en est un qui fait beaucoup jaser. Il s'agit d'exactions commises chez un notable par un lieutenant du château du Taureau et plusieurs soldats armés. Après avoir enfoncé les portes et cassé les armoires, les vandales s'en sont pris aux personnes, ont coupé le nez d'une demoiselle et agressé sexuellement plusieurs autres filles. Les juges de Lesneven et Morlaix ont, en vain, été saisis de l'affaire. Pour se disculper, le procureur du roi à Lesneven invoque les maigres finances dont il dispose et qui bloquent, voire empêchent, les poursuites judiciaires. E l'appui de ses allégations il cite le cas du vicomte de Troussillit, relâché après avoir enlevé de force, dans sa propre maison, un garçon fiancé à une fille convoitée par un jeune homme de son entourage. Plus grave encore est l'affaire d'un parent du sénéchal de Morlaix coupable d'un meurtre commis à l'hôtel du Lion d'or et laissé en liberté. Autre homicide notoire classé sans suite dans cette même ville, celui d'un sergent de Landerneau tué par un notaire d'un coup d'escabeau.

Brest : du vin mais pas de poudre

E Brest, Colbert note à regret que le château manque de munitions mais que, par contre, le vin abonde. Pas moins de 400 barriques ont été consommées en dix-huit mois. Puis, à Quimper, il s'extasie devant la majestueuse église dédiée à saint Corentin tout en déplorant le peu de ressources des habitants. La cause en est la création d'un collège de jésuites qui a détourné les jeunes du commerce et les a orientés en grande partie vers des fonctions ecclésiastiques et des professions intellectuellement plus valorisantes. Et voilà ensuite l'envoyé spécial du Roi-soleil à Concarneau, juste le temps de prendre connaissance de quelques procédures criminelles annulées sans raison explicite, avant de prendre la route pour Quimperlé, dont le gouverneur est précisément son accompagnateur, le duc de Mazarini. Ici, aucune critique à formuler, sauf, tout de même, que cette ville au confluent de deux rivières, et donc facilement accessible à un quelconque ennemi, est totalement dépourvue de murailles.

Vannes : les jésuites à la raison

Sur ce, Colbert prend la direction de Vannes en passant par Hennebont, Port-Louis et Auray, où il marque de brefs arrêts pour compléments d'information. E Vannes, terme de son voyage, sa première préoccupation est de se faire communiquer la liste des affaires criminelles afin de s'assurer qu'aucune d'elles ne fait l'objet de dérogations répréhensibles ou de traitement de complaisance. En partie satisfait, son regard se porte alors sur l'évêque, l'illustre sieur de Rosmadec, dont l'ascendant nobiliaire impose sa loi à la communauté des jésuites et lui interdit d'établir un séminaire sous sa propre direction.

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