1804. Mort du roi... de Bignan

1804. Mort du roi... de Bignan

Issu d'un modeste milieu du Morbihan, Pierre Guillemot a mené, de 1794 à 1804, une guerre sans merci contre les républicains à la tête d'une armée de chouans. Surnommé « le roi de Bignan » il a été fusillé sur une chaise par les Bleus.

Publié le 25/06/2007
Modifié le 16/05/2018
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La proclamation par l'Assemblée nationale, le 12 juillet 1790, de la Constitution civile du clergé créant un siège épiscopal par département et attribuant aux citoyens l'élection des évêques et des curés, ne suscite pas un réel emballement dans les rangs républicains en Bretagne. Mécontents de la lenteur des autorités départementales dans l'exécution des décrets, les plus ardents révolutionnaires fondent des clubs dans les villes afin de prendre eux-mêmes les choses en mains. L'un des premiers et des plus intransigeants est celui de Vannes, qui voit le jour le 11 février 1791. Sa rigidité est telle qu'après les atteintes portées au régime monarchique par les députés du tiers il provoque un nouvel accès de colère des paysans tout autant attachés à l'autel qu'à la couronne. Foin de cette effervescence : coup sur coup, le club intronise l'évêque assermenté du diocèse, Charles le Masle, à la place de Monseigneur Amelot qui s'est enfui, prie le nouveau prélat de retirer les pouvoirs aux prêtres de son ressort refusant de prêter serment à la Constitution, commence à tenir ses séances dans l'église des Carmes et ordonne l'arrestation des prêtres insoumis ainsi que de toutes personnes soupçonnées de leur porter assistance.

L'ami Cadoudal

Certes, on ne parle pas encore de « terreur », mais c'est tout de même dans ce climat de tension qu'au début de la Chouannerie va émerger, du fond de sa campagne morbihannaise, le nommé Pierre Guillemot, un illustre inconnu à qui ses compagnons d'armes attribueront le titre de « roi de Bignan » et qui sera considéré, depuis, comme l'un des principaux lieutenants de Georges Cadoudal. Issu d'un milieu extrêmement modeste, son parcours témoigne d'une volonté, peu commune à l'époque, de briser la barrière sociale confinant la classe paysanne dans un état d'infériorité. Né le 1 e r novembre 1759 à Kerdel, en Bignan, il sera évidemment laboureur comme son père, dont il est le neuvième enfant. Mais du collège Saint-Yves de Vannes, où le destine son ouverture d'esprit, il sortira, au terme de ses études, avec une instruction nettement supérieure à la moyenne. C'est du reste dans cet établissement que - clin d'oeil de l'Histoire - il fera la connaissance, dans l'armée royaliste, de son futur chef, Georges Cadoudal, de douze ans son cadet.

Une rencontre décisive

Le 25 janvier 1782, Pierre Guillemot épouse une paroissienne de Plumelec, Marie-Louise Valy, qui lui donnera quatre enfants. Puis il s'établit dans la ferme de Donnan tenue par ses beaux-parents. Neuf années plus tard, tandis que progresse l'idée républicaine et que la royauté vit ses derniers jours, Pierre Guillemot quitte Plumelec pour cultiver la terre de Bignan, qui lui appartenait en commun avec ses frères et ses soeurs. Et c'est là précisément, dans ce coin perdu à l'écart des principaux axes routiers d'alors, que va se forger sa renommée et se jouer son destin. Rescapés d'une désastreuse bataille au nord de Nantes de la Grande Armée Catholique contre les Bleus, supérieurs en nombre, quatre hommes se présentent à lui, au début de 1794, afin de constituer une troupe capable d'affronter les forces républicaines implantées dans la région. Cette rencontre n'est pas le fait du hasard. Non seulement Guillemot est connu pour son intelligence, mais il est réputé aussi pour sa force et son énergie. En outre, le pays de Bignan avec ses haies, ses bois et ses chemins creux, se prête parfaitement aux embuscades et aux attaques-surprises. Voilà donc notre jeune paysan, fidèle à ses idées, enrôlé sous la bannière royaliste et, d'emblée, il se met aux ordres de son ami Cadoudal.

Des trésors cachés

Commence, dès lors, dans le Morbihan, une véritable insurrection avec, pour principal objectif, la conquête de Vannes afin d'en déloger les Bleus. Responsable de l'organisation pour les cantons de Bignan et Plumelec, Guillemot, pour sa part, à la tête d'une troupe de 500 hommes, dont 150 seulement muunis d'armes à feu, occupe le bourg de Grand-Champ, où il s'empresse d'abattre l'arbre de la Liberté planté par les Républicains et de hisser sur le clocher le drapeau emblème de la royauté.

Des milliers de caches

Par la même occasion, il s'empare de la caisse du receveur des impôts contenant 6.000 livres. Un véritable trésor de guerre qui ira s'amplifiant à la faveur de plusieurs débarquements des Anglais emportant avec eux des munitions et de l'or destinés à l'armée royale. Ainsi en 1799, celle-ci fut-elle pourvue de poudre, 25.000 fusils et six caisses de piastres, le tout dissimulé ensuite dans des cabanes faites de branchages. On estime à plusieurs milliers le nombre de caches ainsi disséminées dans les bois du Morbihan durant l'insurrection. Qu'est-il advenu de la fortune détenue personnellement par le « roi de Bignan » ? Nul, semble-t-il, ne l'a su. Il est vrai qu'après quelques mois de guerre, avec l'arrivée sur place du général Hoche, dont la force de frappe, a été sévèrement ressentie par les émigrés lors du débarquement de Quiberon en 1795, les choses commencent à mal tourner pour Guillemot et les siens.

Le « roi » fusillé sur une chaise

C'est d'abord son beau-frère qui est massacré par les républicains à coups de crosses de fusil ainsi que sa petite fille qu'il tient dans les bras. Puis les Bleus assassinent sa soeur, Marie-Jan, à Kergoff, tandis que lui-même et ses proches se terrent dans des souterrains creusés tout autour de l'ancienne gentilhommière de Kerdaniel. Enfin, comble de malheur, sa femme, âgée seulement de 39 ans, décède à La Grée-Saint-Jean alors que lui-même reçoit des mains de Cadoudal un brevet de colonel des armées royalistes. Quant à l'épopée du héros de Bignan, elle s'achèvera pareillement de façon dramatique. Dénoncé en 1804 par l'un de ses hommes, il tente de s'enfuir de son refuge près de Plaudren. Grièvement blessé, il sera fusillé à Vannes sur une chaise dans le jardin de la Garenne avoisinant la propriété du préfet.

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