1858. Le bagne de Brest ferme ses portes

1858. Le bagne de Brest ferme ses portes

Au cours de son siècle d'existence, le bagne de Brest a abrité plus de 70.000 forçats. Son ouverture a marqué l'émergence d'une nouvelle structure répressive après celle des galères. Sa fermeture le 1er septembre 1858 marquera une nouvelle étape, celle des colonies pénitentiaires d'outre-mer.

Publié le 26/11/2008
Modifié le 16/05/2018
A- A+

En 1748, Louis XV rattache les corps des galères à la Marine Royale, afin de permettre à celle-ci de disposer ainsi d'une main-d'oeuvre peu onéreuse. Désormais, les forçats des galères seront hébergés à terre dans des bagnes portuaires. Le bagne de Brest est le deuxième créé en France après celui de Toulon. La première chaîne de forçats arrive à Brest le 25 mai 1749, soit un mois après leur départ de Marseille. Par la suite, c'est principalement de Paris que les chaînes partiront vers le bagne. Une chaîne regroupe 300 à 400 hommes. Pendant le voyage, chaque forçat est enchaîné par une « cravate » qui, comme son nom l'indique, est passée au cou de chaque condamné, également entravé par les pieds. Le transport se fait en charrette, et c'est seulement à partir de 1836 que l'on utilise des voitures cellulaires.

« Couplé » pour trois ans

Arrivés au bagne, les forçats sont déferrés. Opération délicate et dangereuse : mieux vaut éviter tout mouvement brusque, au risque de mourir. Dépouillés de leurs vêtements qui sont brûlés, les forçats reçoivent une livrée. Chaque nouveau venu est obligatoirement « accouplé » à l'aide d'une chaîne à un forçat plus ancien pour une durée théorique de trois ans. Souvent mal accepté, c'est néanmoins un bon moyen de coercition pour l'administration.

Administration et surveillants

Au sommet de l'administration du bagne, se trouve le Commissaire des Chiourmes. Responsable de la police intérieure du bagne, cette fonction est rarement acceptée de gaieté de coeur par ceux qui l'occupent. En 1843, le commissaire général de la Marine à Brest, chargé de choisir un nouveau Commissaire des Chiourmes, avoue que « les divers commissaires du port ont tous manifesté quelque répugnance à prendre ce service ». Toute une hiérarchie de surveillants est affectée à la garde, surveillance et direction des forçats dans l'intérieur du bagne, sur les travaux et dans les ateliers. C'est un corps de 330 hommes environ qui surveille 3.000 forçats.

Les nouvelles « recrues » sont jeunes

Les surveillants jouissent généralement d'une mauvaise réputation qui s'avère souvent méritée. La négligence dans leur tâche, l'abus d'alcool et leur attitude hors des murs du bagne sont quelques-uns des manquements au règlement qui leur seront reprochés. À partir de 1828, une ordonnance fixe la répartition des forçats dans les différents bagnes français. Le bagne de Brest avec celui de Rochefort va accueillir les forçats condamnés à plus de dix ans de peine. Les nouvelles recrues sont généralement jeunes. 60 % n'ont pas dépassé l'âge de trente ans. Presque tous les forçats sont originaires du nord de la Loire. La majorité est d'origine rurale et ne sait ni lire ni écrire. Voleurs et contrebandiers sont surreprésentés par rapport aux meurtriers et assassins. Quelques forçats ont laissé leurs noms dans les archives, comme par exemple Vidocq, qui fut assurément l'hôte le plus célèbre du bagne de Brest. Son séjour en 1797 y fut de très courte durée. Il s'évade huit jours après son arrivée. André Bazile est un autre forçat qui a laissé son nom. Après un an de bagne, il est admis à l'hôpital, où il décédera, pour des douleurs au ventre. Son autopsie révélera que son estomac renfermait 52 objets parmi lesquels une portion de cercle de barrique d'environ 50 centimètres de long.

Le bagne et la ville

Les forçats ne peuvent rester oisifs. Ils sont employés une semaine sur deux aux « travaux de fatigue » des arsenaux ou dans les « manufactures utiles à la Marine », voire, dans des conditions précises, chez les « fabricants et artisans de la ville ». Certains condamnés sont autorisés à exercer leur métier dans des baraques établies dans la cour du bagne où le public vient y négocier les produits. Jusqu'en 1820, les forçats circulent en ville. La municipalité de Brest demande souvent à utiliser cette main-d'oeuvre bon marché, mais admet difficilement l'activité des forçats ouvriers qui exercent leurs professions au détriment des artisans brestois. Il arrive que des cordonniers libres recourent à la violence en attaquant dans les rues les forçats porteurs de chaussures fabriquées au bagne. Après 1820, la Marine veillera à ce qu'aucun forçat ne soit employé illicitement en ville.

La fermeture du bagne

En 1830, les bagnes font l'objet d'un vaste débat sur leur utilité sociale. L'idée de leur fermeture au profit des colonies pénales d'outre-mer fait alors son chemin. Cette évolution a été alimentée par plusieurs considérations : morales, avec le spectacle détestable que donnait à voir le bagne dans l'enceinte même d'une ville ; sanitaires, avec des risques d'épidémie accrus et économiques, avec l'abolition définitive de l'esclavage dans les colonies en 1848 qui entraîna un besoin en main-d'oeuvre. Dès 1852, les condamnés sont transportés vers la Guyane. Le bagne de Brest ferme le 1er septembre 1858. Le vaste édifice est converti en dépôt de matériel. Pendant la Première Guerre mondiale, il sera successivement un hôpital complémentaire, un centre de réforme et un magasin. Après la Seconde Guerre mondiale, le bâtiment sera entièrement détruit.

L'architecture du bagne

Le bâtiment qui abritait le bagne fut construit entre 1749 et 1751 par l'architecte de l'arsenal, Antoine Choquet de Lindu. D'après lui, la conception du bagne devait répondre à un triple objectif : « Maintenir aisément la police, éviter l'évasion de forçats et leur fournir les besoins indispensables de la vie ». Dominant le port sur la rive gauche de la Penfeld, entre la corderie haute, la caserne et l'hôpital, le plan de l'édifice servira de référence à Toulon lorsque sera décidé de ne plus loger les prisonniers sur les galères. Pour éviter les évasions et faciliter le maintien de l'ordre, ce très long bâtiment est scindé en deux par un pavillon central destiné à l'administration et aux logements des surveillants, ainsi qu'à celui des chirurgiens et des aumôniers. La présence d'un étage participait de la même volonté de division. Ainsi, quatre salles pouvaient accueillir les forçats. Deux pavillons placés à chaque extrémité du bâtiment et où logaient les surveillants complètent le dispositif. Pour fournir les besoins indispensables à la vie, l'architecte a coupé chaque salle en deux dans sa longueur par un mur d'1m30 d'épaisseur percé à intervalles réguliers de larges ouvertures faisant face aux embrasures des fenêtres, disposition facilitant la circulation d'air. Chaque salle était également pourvue de latrines et d'un robinet d'eau, et la cour disposait de deux lavoirs placés à chacune de ses extrémités.

Rechercher un hébergement à proximité
Contenus sponsorisés