Les vigies des Marches de Bretagne

Les vigies des Marches de Bretagne

Vitré, Fougères, Clisson… Le long de la frontière franco-bretonne, les forteresses rappellent leur rôle de premiers défenseurs de la Bretagne face à la France. Pourtant, ces terres de Bretagne orientale sont souvent considérées comme n’étant que peu bretonnes par les habitants de l’ouest de la péninsule.

Publié le 28/02/2019
Modifié le 16/05/2019
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Fougères, en Ille-et-Vilaine, était la forteresse la plus importante du dispositif défensif breton contre le royaume de France
© Photo DR/Daniel Jolivet

Pour le Finistérien, les Marches de Bretagne n’évoquent qu’une lointaine contrée, plus proche de Paris que de Brest. Les gens y baragouineraient quelques mots d’un « patois français », le gallo, et la langue bretonne ne se retrouverait que sur les panneaux d’entrée de certaines villes, pour rappeler aux touristes de passage qu’ils sont bien en Bretagne. Pourtant, les Marches bretonnes ont joué un rôle capital dans l’indépendance du duché de Bretagne. En témoignent les nombreuses forteresses qui jalonnent la frontière, de Fougères à Clisson.

Les premières mentions de Marche bretonne remontent à l’époque mérovingienne (du Ve au VIIIe siècle). Elle recouvrait grosso-modo les bassins de la Loire et de la Vilaine et le vaste massif forestier dont les actuelles forêts de Rennes et de Fougères constituent les lambeaux. Selon René Cintré, professeur d’histoire à la retraite (*), originaire de Fougères, « la marche franco-bretonne embrassait la majeure partie des anciens pays gallo-romains de l’Est armoricain et formait une zone intermédiaire, certainement placée sous le signe des contacts pacifiques et mutuellement enrichissants entre les peuples riverains ». C’est de cette époque que datent les noms de lieux en « guerche », notamment la commune de la Guerche-de-Bretagne (Ille-et-Vilaine), dérivée du franc « werk », qui désigne un ouvrage défensif.

Angers et Laval, villes-frontières

La « zone tampon » de la Marche de Bretagne est officiellement instaurée en 753, par Pépin le Bref, père de Charlemagne. À l’époque carolingienne, la Marche est administrée par des préfets, dont le comte Roland, neveu de Charlemagne, qui a donné son nom au site du Saut-Roland, entre Vitré et Fougères.

Le IXe siècle voit l’essor d’une rébellion bretonne, dont émerge la figure de Nominoë, premier roi de Bretagne, considéré comme le père de la nation bretonne. Nommé gouverneur de Bretagne par Louis Ier le Pieux, roi des Francs, Nominoë se révolte contre son successeur, Charles II le Chauve, pour conserver l’autonomie de la péninsule. Après plusieurs victoires des Bretons sur les Francs, l’indépendance de la Bretagne est finalement reconnue au début des années 840. Commence alors une période de conquêtes durant laquelle Nominoë repousse les frontières bretonnes aux confins du Cotentin, du Maine, de l’Anjou et du Poitou. À cette époque, Angers et Laval sont des villes-frontières. Cette extension maximale de la Bretagne perdure jusqu’au XIe siècle, pour reprendre ensuite la ligne Machecoul-Mont-Saint-Michel, qui demeure après la perte de l’indépendance, jusqu’à l’amputation de la Loire Inférieure par le régime de Vichy en 1941.

Les bastions de la défense bretonne

C’est durant l’indépendance du duché, du IXe au XVIe siècle, que sont édifiées les forteresses des Marches bretonnes. Ces châteaux forment deux lignes : l’une, la plus à l’Est, part de Fougères et se termine à Clisson. L’autre part de Saint-Malo jusqu’à Pornic. Dans ce contexte, Nantes et Rennes étaient considérées comme des « bastions ultimes » de la défense bretonne. Aujourd’hui, il subsiste de magnifiques vestiges de ces châteaux chargés de défendre la souveraineté bretonne (lire ci-dessous).

Le Moyen-Âge voit refluer la puissance bretonne sous l’effet d’une succession de guerres qui se déroulent le long des marges orientales du pays, selon René Cintré : « La guerre de succession de Bretagne de 1341 à 1365, relayée par les séquelles de la guerre de Cent ans, jusqu’au début des années 1450 ; les sièges de Champtoceaux en 1420 et de Pouancé, de septembre 1431 à février 1432, par les troupes ducales bretonnes au service de Jean V ; la guerre dite du Bien public en 1468, opposant le roi [Louis XI] à toute une coalition de grands féodaux (…) ». Jusqu’à l’affrontement ultime, la « guerre de Bretagne », de 1487 à 1491.

5 000 Bretons tués

En 1487, Dol, Combourg, La Guerche, Vitré et Clisson sont repris par les Français. En 1488, c’est au tour de Fougères, Châteaubriant, Saint-Malo, Dinan et Ancenis de tomber. Le 28 juillet 1488 se joue le début de la fin pour la Bretagne indépendante, à Saint-Aubin-du-Cormier. Après la prise de Fougères, 5 000 Bretons sont tués sur la lande de Saint-Aubin-du-Cormier, contre 1 400 Français. Le duc François II signe, avec Charles VIII, roi de France, le traité du Verger, le 19 août 1488. La Bretagne conserve son indépendance, mais, en contrepartie, le duc s’engage à éloigner du duché les belligérants bretons dans la guerre contre la France et à ne pas marier ses filles sans consulter le roi de France. Une clause qui mène aux mariages successifs d’Anne de Bretagne avec Charles VIII et Louis XII, qui, une fois la mort de la duchesse en 1514, entérine l’union de la Bretagne avec la France en 1532. Reste ces forteresses, bien éloignées de la « vraie » Bretagne, bretonnante, mais qui constituent pourtant les souvenirs les plus vivaces d’une Bretagne souveraine.

« Les Marches de Bretagne, une frontière du Moyen-âge à découvrir », René Cintré, Hervé Ronné, Edilarge, 2011.« Toute l’histoire de la Bretagne, des origines à la fin du XXe siècle », Jean-Jacques Monnier, Jean-Christophe Cassard, éditions Skol Vreizh, 2003.Circuit touristique des Marches de Bretagne : www.routes-touristiques.com
 

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