Daoulas, L'Hôpital-Camfrout, le charme tranquille

Daoulas, L'Hôpital-Camfrout, le charme tranquille

En coupant au plus droit à travers les champs et les bois, la voie express Brest-Quimper a délaissé les petites cités qui jalonnaient l'ancienne route nationale. Entre quatre voies et fond de rade, Daoulas et L'Hôpital-Camfrout sont devenues de calmes bourgades, tranquilles comme elles ne l'ont jamais été : après avoir perdu le trafic de leurs ports de rivières marines en raison du développement du transport routier, elles ont aussi perdu leur trafic terrestre.

Publié le 26/07/2012
Modifié le 28/10/2020
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Daoulas, L'Hôpital-Camfrout, le charme tranquille
Daoulas

Aujourd'hui, on n'y passe plus. On y va. Et ça vaut le coup. Parce que ces petites villes sont pleines de charme, avec leurs maisons anciennes et leur port oublié, qui témoignent du temps présent où elles étaient florissantes. Parce qu'elles sont aussi les portes d'une presqu'île discrète et méconnue, bordée d'un chapelet de criques de galets plats, là où la rade de Brest se fait douce pour devenir estuaire. Aussi loin que remonte leur histoire, Daoulas et L'Hôpital-Camfrout ont été des lieux de passage : Légions, pillards, colons, pèlerins, commerçants ont emprunté, au fil des siècles, les voies maritimes et terrestres qui se sont nouées ici.

Des pirates destructeurs

Voici près de 2.000 ans, une voie romaine passait par le ruisseau du Camfrout qui se jette dans la rivière de L'Hôpital. Voici 1.500 ans, les Bretons chassés de leur île par les Saxons sont venus en remontant les rivières. Parmi eux, Saint-Jaoua, fondateur légendaire de l'abbaye de Daoulas en 510. Il aurait converti le puissant seigneur du Faou qui, irrité par la conversion de ses proches au christianisme, avait massacré Saint-Tadec et Saint-Judulus, donnant ainsi son nom à l'abbaye qu'il devait financer pour expier son double crime (daou laz : double meurtre en breton). C'est par la mer également que les pirates normands sont venus porter la destruction, au Xe siècle.

Deux cents ans plus tard, alors qu'intervenait la nouvelle fondation de l'abbaye par les moines de Saint Augustin, les Hospitaliers de Saint-Jean bâtissaient une halte pour les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle. Cet hôtel médiéval faisait également fonction de léproserie, d'où le nom du lieu-dit 'L'Hôpital'. Les deux bourgades de fond de rivière ont ensuite développé leur trafic portuaire. Jusqu'à une date encore récente, les gabares de la rade de Brest allaient et venaient dans les estuaires, au rythme des marées. L'un de ces navires de charge, le "Notre-Dame de Rumengol", a été sauvé de la ruine par l'association "An Test" et se trouve aujourd'hui à L'Hôpital, dont il partage le quai avec un autre navire ancien, le coquillier "Bergère de Domrémy".

Aujourd'hui, les deux petites cités ne voient plus que le passage estival des vacanciers venus goûter les charmes de la presqu'île de Logonna et des enfants des classes de mer se rendant à Moulin-Mer.

Sur les traces de saint Conval

La voie express, décaissée à flanc de coteau à la hauteur de L'Hôpital-Camfrout, tranche en deux le bois du Gars qui domine la jolie rivière du Camfrout sinuant au creux de sa vallée. Ce vaste espace forestier de 200 hectares a été cédé à l'Etat et la Région par son propriétaire privé à la fin 1991. Il est désormais accessible au public, pour peu qu'il en découvre les entrées, non encore balisées.

A en croire la légende, l'ermite saint Conval en aurait été chassé par le seigneur du lieu pour avoir coupé quelques pieds de chêne, afin de bâtir son oratoire. En s'en allant, le saint aurait lancé une malédiction sur ce bois, prophétisant qu'on n'y trouverait plus de quoi fabriquer un timon de charrette. Réfugié en forêt du Cranou, le seigneur local, plus complaisant, l'autorisa à utiliser les arbres comme il le souhaitait. Ce dont le récompensa Conval en prédisant qu'ici jamais le bois ne manquerait.

Une autre légende, totalement différente, aboutit à une malédiction identique. Un méchant forgeron, ayant abandonné à la mer une maie contenant ses sept enfants en bas âge, l'équipage s'échoua à Daoulas. Mais personne ne voulut accueillir les enfants. Ceux-ci maudirent alors les habitants, disant que « jamais le bois du Gars ne fournirait arbre assez gros pour en tirer un timon de charrette ». Ces malédictions sont devenues par la suite réalité : depuis lors, le bois n'était plus que taillis.

Les légendes n'ont toutefois pas résisté au reboisement dont a fait l'objet, ces dernières années, la colline, aujourd'hui coiffée d'arbres de haute futaie. Mais le bois du Gars est quand même loin de rivaliser avec la splendeur de la Forêt du Cranou...

Les carrières de granit des calvaires bretons

Des milliers de calvaires et de tombes, d'églises et de maisons, ont été érigés en kersanton, ce granit gris au grain si fin, tendre sous le ciseau du tailleur de pierre, et de plus en plus dur fil du temps. Cette pierre renommée doit son nom au hameau qui borde la rive droite de la rivière de L'Hôpital Camfrout, à quelques centaines de mètres en aval du pont (il en existe également un gisement non loin de là, à Kersanton en Loperhet). C'est là, d'une impressionnante cuvette taillée dans la roche et cachée derrière le versant de la falaise, qu'ont été extraits les blocs de construction qui ont servi à ériger les merveilles gothiques des XVe et XVIe siècles, parmi lesquelles une multitude de porches : les calvaires de Plougastel-Daoulas, Guimiliau et Pleyben, ou encore le jucher du Folgoët. Après avoir longé la berge de la rivière côté Logonna, on accède à ces carrières désaffectées en prenant un sentier à droite face au campement des gens du voyage. Une gorge étroite taillée dans la falaise mène à l'étonnant cirque de pierre aux parois abruptes plongeant dans deux lacs bleus.

La pierre de Rungléo

Entre Logonna et Sainte-Marguerite, la pierre de Rungléo témoigne du choc des religions qui s'est produit ici lorsque les Bretons chrétiens sont arrivés chez les druides. Menhir à l'origine, elle a été christianisée. Son sommet est taillé en croix et, sur la pierre, on peut voir les douze apôtres gravés. Ce menhir attire chaque année de nombreux touristes, notamment d'Allemagne et des pays nordiques.

Depuis que le département du Finistère en a fait un passionnant rendez-vous culturel, avec ses grandes expositions qui se succèdent chaque année, l'abbaye de Daoulas est devenue l'un des hauts-Iieux régionaux pour les amateurs d'histoire et les curieux du monde. Mais elle est aussi un lieu privilégié de promenade dans le passé, une promenade mystérieuse où se mêlent légendes, croyances, mysticisme, spiritualité, une promenade de 1.500 ans sur des sentiers de pierre, dont beaucoup restent encore à explorer. On accède à l'abbaye par une rue étroite à forte pente, bordée de jolies maisons des XVe et XVIIe siècles. L'abbatiale romane (propriété communale) date de 1167 et a été en partie remaniée au XVIe siècle. Le porche de l'enclos paroissial (XVIe) sert de base au clocher. On peut y voir, sculptée dans la pierre, une curieuse scène de la Nativité, avec un saint Joseph portant un chapeau melon. L'enclos excepté, le domaine de l'abbaye appartient au département qui a confié à une association culturelle le soin d'y organiser les remarquables expositions qui font son renom. Mais, outre ces expos, ce site recèle bien des merveilles. Ainsi peut-on admirer un cloître roman du XIIe remarquablement préservé (c'est le seul de l'Ouest à dresser encore ses arches intactes sur trois côtés), flanqué d'une épaisse muraille qui remonterait au IXe siècle, avant la destruction de la vieille abbaye par les pillards normands au siècle suivant.

L'abbaye de Daoulas, qui aurait été fondée vers l'an 500, recèle encore de nombreux trésors, comme cette vasque mystérieuse d'inspiration irlandaise, dont le bord sculpté représente des masques et un loup dévorant un âne qui pourrait dater du VIIe siècle. Mystérieux également, l'énigmatique personnage taillé dans la pierre, symbole de la fécondité à la fois masculine et féminine, intrigue toujours les spécialistes qui y voient une trace d'un très ancien culte druidique. Mais on peut penser que la plupart des secrets anciens de Daoulas -ceux qui remontent à cette époque où les Bretons arrivaient en terre des druides avec leur foi nouvelle-, sont encore enfouis à quelques centimètres sous terre.

Aucun chantier de fouilles archéologiques n'a en effet encore été mené ici. Les premières recherches viennent de débuter et ont permis de mettre au jour de nombreux ossements, des objets usuels, des soubassements de murs dont rien ne pouvait laisser supposer l'existence et un curieux chemin pavé.

La fontaine aux trois bassins

Non loin du cloître, une fontaine monumentale alimente la pièce d'eau du creux de la vallée. Elle semble avoir été, avant la christianisation, un lieu de culte primitif dédié à la déesse Eau des Celtes. Ses bassins de pierre et son monument (auquel sont intégrées les statues de Notre-Dame des Fontaines, et de Sainte-Catherine de Sienne au pied d'un Christ en croix) ont été signalés dès le XVe siècle. Les bassins sont au nombre de trois : dans l'eau du premier on se désaltérait, dans celle du second on se lavait les yeux -elle auraitla vertu de guérir les maladies-, dans celle du troisième on se lavait les pieds. Tout à côté de la fontaine, sur l'emplacement d'une ancienne chapelle, se dresse un oratoire récemment restauré. Il abrite notamment deux statues polychromes : une Vierge à l'Enfant et saint Thélo chevauchant son cerf.

A côté de ces vieilles pierres, chargées d'histoire, l'abbaye offre aussi le spectacle pastoral de son parc boisé, avec sa rivière et sa vallée, ses moutons d'Ouessant, ses canards et son jardin de plantes médicinales.

Ce dernier est à visiter de préférence au printemps et en été. Il a beaucoup de succès, et attire hélas trop de chapardeurs : le carré 'force et vigueur' en fait régulièrement les frais.

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