L'histoire du port de Brest

L'histoire du port de Brest

Philippe Jarnoux, professeur d'histoire moderne CRBC-UBO questionne ici la notion, très relative, de bout du monde. Alors Brest est-elle au début ou à la fin, une extrémité ou, comme au XVe siècle, située en plein milieu ?

Publié le 05/03/2020
Modifié le 01/04/2020
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Une des plus anciennes représentations de la ville quand Brest et Recouvrance n'étaient pas encore liées.
© Musée des beaux-arts de Brest / Jean-Yves Guillaume

Il y a plusieurs manières de définir le bout du monde. La première – et la plus fréquente – consiste à repérer sur le planisphère les extrémités, les pointes avancées des terres émergées face aux immensités vides des océans. L’Europe compte au moins trois bouts du monde : Cabo Fisterra en Galice, Land’s end en Cornouaille britannique et Finistère breton, qui font face à la peur du vide des temps anciens, quand on imaginait qu’il n’y avait rien derrière les flots et qu’on ne connaissait pas encore l’autre côté de la mer. Rien de tel en Méditerranée : il n’y a pas de bout du monde puisqu'on a toujours su là-bas qu’il existait une autre terre, au-delà des flots.

Brest répond parfaitement aux deux définitions : bout du monde géographique à distance maximale des lieux de pouvoirs, de décision, de définition du goût ou des bienséances. Avec cette particularité : à l’inverse des bouts du monde sauvages, désolés, inquiétants et déserts, cest aussi une ville !

Mais, presque paradoxalement, Brest n’est pas seulement bout du monde. Elle est escale, carrefour, parfois centre, ou, mieux encore, début du monde. Sa naissance résulte de la présence d’un site portuaire privilégié au contact de la Manche et de l’Atlantique, et d’impulsions stratégiques et militaires lointaines. Cela explique que la ville ait toujours été convoitée, désirée de l’extérieur par les pouvoirs qui souhaitaient marquer leur contrôle du passage stratégique qu’elle surveille.
 Car cette ville du bout du monde ne sert à rien sur la terre (et c’est sans doute l’origine de ses difficultés à se tailler jusqu’à nos jours, un vaste arrière-pays, une zone d’influence élargie). Plus qu’une ville, Brest est, et reste, une projection sur la mer.

Indissociable de la ville, cette fonction militaire n’aurait pas lieu d’être si l’on était seulement dans un bout du monde - il ne sert à rien de protéger ou défendre une extrémité déserte et sans utilité - mais il se trouve que Brest est aussi un centre du monde atlantique européen. Pendant des siècles, le premier développement du commerce maritime européen a été lié à de grandes routes de cabotage reliant la péninsule ibérique et la mer du Nord. Dans ce modèle ancien, Brest et la pointe de la Bretagne ne sont pas une marge ou une périphérie lointaine mais, au contraire, un centre, un point de passage obligé, à défaut d’être un véritable carrefour, et occupent une place fondamentale. Au XVe siècle, l’idée de bout du monde semblerait bien incongrue à un marchand portugais ou à un marin flamand. En matière de commerce et d’échanges, Brest et la pointe de la Bretagne furent longtemps potentiellement au centre du monde, à égale distance entre Lisbonne et Amsterdam, bien plus proches de l’Espagne, de l’Angleterre, de Bordeaux ou de l’Irlande que de Paris.

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