Le Goëlo, côte sauvage, terre de mystère...

Le Goëlo, côte sauvage, terre de mystère...

Entre les vieux bassins paimpolais chargés d'histoire et tout le nouveau port de Saint-Quay-Portrieux s'étend une langue de terre qui longe la frange nord-ouest de la baie de Saint Brieuc. Dominant une mer hostile, cette côte sauvage, escarpée et découpée, borde un pays à l'identité marquée : le Goëlo.

Publié le 20/01/2006
Modifié le 16/05/2018
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Saint-Quay-Portrieux
Saint-Quay-Portrieux

Ce pays du Goëlo, un concentré de Bretagne entre campagne profonde et falaises abruptes, a une riche histoire. Une histoire ancienne, comme en témoignent les traces laissées par les bâtisseurs du Moyen Age. Une histoire plus récente aussi : cette côte discrète aux criques désertes, en bordure d'un pays secret, a été durant l'occupation un haut-lieu de la Résistance par ses trafics avec l'Angleterre.

Des boucles vicinales

Comment découvrir le Goëlo ?

En voiture, c'est bien sûr le plus simple et le plus classique. Et c'est tout à fait possible : le pays est sillonné par un entrelacs de petites routes qui mènent jusque dans les lieux les plus reculés. La difficulté, c'est de s'y retrouver : ces routes sont si nombreuses et si mêlées qu'il aurait fallu une signalisation de tous les carrefours pour que le promeneur ne s'y égare pas. Mais, finalement, ce n'est pas une si déplaisante manière de découvrir une région que de s'y perdre un peu... Si les boucles vicinales permettent au promeneur automobile de parcourir la campagne, ces petites routes ont, en revanche, tendance à s'achever en impasse dès qu'on approche de la côte. Logique. Et grandiose. Là où s'interrompt le bitume, au bord de la falaise, commence un autre chemin, un autre monde qu'on découvre autrement.

A pied, mais aussi à cheval ou à VTT, cyclistes et cavaliers (ces   derniers devant être expérimentés) étant tolérés sur le sentier longeant   le littoral.

La pointe de Plouha

Un sentier superbe, entre landes et rocs, escaladant les promontoires escarpés avant de plonger vers les criques de sable ou de galets, encaissées entre deux pointes rocheuses. Du sommet des falaises les plus hautes (la pointe de Plouha culmine à 104 mètres), on domine la baie et la vue porte jusqu'au Cap Fréhel.

La commune de Plouha, en collaboration avec le département des Côtes-d'Armor, a tenu à mettre en valeur cet exceptionnel patrimoine naturel que constitue la côte, de Gwin Zégal jusqu'à la pointe de Plouha. Au fil du sentier, on peut voir le curieux port de Gwin-Zégal avec sa vingtaine de petits bateaux amarrés à de longs pieux plantés au fond. On peut observer aussi la végétation caractéristique de cette zone littorale, les oiseaux marins, les villages côtiers ou le travail d'érosion sur la roche battue par les flots.

Les fresques et statues de Kermaria

Une visite à la chapelle de Kermaria-an-Iskid, entre Pléhédel et Plouha, plonge le promeneur en plein Moyen-Age d'obscurantisme, de mysticisme et de religion. Erigée au XIIIe siècle, la chapelle tenait lieu également de tribunal. C'est là que le seigneur local rendait la justice, proclamant la sentence du haut du balcon de pierre dominant le porche. On peut voir, dans la sacristie, les auges de pierre où l'accusé devait faire ses ablutions avant de passer en jugement. Remarquablement préservé depuis l'origine, l'édifice abrite une trentaine de statues de bois, datant des XIIIe, XIVe, et XVe siècles. On peut y voir notamment un saint Fiacre la bèche à la main (c'est le patron des jardiniers), un saint Eloi forgeron, Notre-Dame de Kermaria donnant le sein à l'Enfant-Jésus qui, sans doute rassasié, le refuse, et les onze apôtres du porche. Onze, car manque saint Luc, dérobé en 1907 : le curé, du temps où il y en avait un à Kermaria, a déployé bien de l'énergie pour le récupérer, allant le rechercher jusque dans un hôtel louche de Paris où il avait, dit-on, été vu. Mais l'homme d'Eglise est revenu bredouille. L'on dit maintenant que la statue serait quelque part au Maroc...

Autre curiosité remarquable de la chapelle : les grandes fresques du XIIIe siècle qui en décorent les parois, la danse macabre courant en haut des murs étant la plus célèbre. Plus macabre encore que la danse peinte, Notre Dame de Kermaria abrite, dans une caisse de bois grisâtre, « Le ceff de Lezôbre », le crâne de celui qui était sans doute une personnalité locale d'un lointain passé et celui de sa fille. On peut voir les ossements, à travers une fenêtre découpée dans la caisse. Enfin, une trappe dans le sol de la chapelle découvre un souterrain qui, dit-on, aurait mené autrefois jusqu'au château de Bois-Gelin.

Les totems de René Raoult

Non loin de la petite chapelle de Saint-Michel, entre Pléhédel et Kermaria, une plaque discrète est apposée sur le pilier d'entrée d'une maison de pierre. « René Raoult, magnétiseur », peut-on y lire. Un magnétiseur dont les mains ne se contentent pas de faire passer le fluide : elles sont habiles aussi à manier l'outil, comme en témoignent les monumentales statues qu'elles ont façonnées.

La cour, devant la maison de René Raoult, est encombrée de grandes pièces de bois et de granit taillé, évoquant l'avènement d'un nouveau monde par l'Europe de 1992. Mais c'est le jardin, sur la façade arrière, qui et le plus impressionnant. 19 statues aux formes de totem s'y dressent de toute leur hauteur, la plus grande -le Christ- culminant à huit mètres. Ce jardin, reposant plus qu'angoissant malgré la dimension de ses hôtes, est orienté seIon la course du soleil.

 « Ici, c'est un Lieu », précise l'original jardinier. « J'ai aménagé ainsi ce jardin, nommé depuis  l'Eglise Verte, afin d'offrir à mes patients un espace pIus agréable qu'une salle d'attente », explique René Raoult. Mais sa réalisation si surprenante a eu un tel succès (elle est recensée parmi les lieux du Guide de la France Insolite, ainsi que parmi les Jardins de l'Art Brut) qu'il l'a ouvert au public. Les visiteurs peuvent, s'ils le souhaitent, acquérir une création de René Raoult. Mais le prix est à la mesure de la dimension : monumental.

Le temple de Lanleff

Le petit bourg de Lanleff s'enorgueillit d'une construction rarissime puisqu'il n'en existerait qu'une autre comparable, quelque part en Amérique. Il s'agit du « Temple », une curieuse chapelle (ou un baptistère) construite au XIe siècle par les Templiers, et dont le style, inspiré du Saint Sépulcre de Jérusalem, rappelle celui des églises orientales. Elle est composée de deux enceintes circulaires, comportant douze arcades en plein cintre, aux chapiteaux sculptés.

L'abbaye de Beauport

La haute silhouette des ruines de l'abbatiale de Beauport se dresse entre mer et route, à la sortie de Kérity, en direction de Plouha. Le seul point de vue que l'on peut en avoir de l'extérieur ne suffit pas à se rendre compte de l'état de préservation de ces bâtiments d'où se dégagent une foule d'impressions venues de l'aube de notre civilisation. Comme si, outre les traces de leur vie quotidienne, les moines avaient laissé en ces murs un peu de leur âme. Construite en 1202 par les religieux normands de l'ordre des Prémontrés, l'abbaye était un lieu de prière, mais aussi d'accueil : elle était l'oeuvre de moines hospitaliers, dont la fonction était de recevoir les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle venant d'Angleterre ou d'Irlande puis de soigner les malades. Vingt moines y résidaient en permanence; près de trente autres religieux, dépendant de l'abbé, exerçant leur ministère séculier dans 18 paroisses des environs et huit paroisses d'Angleterre. Elle a cessé de fonctionner à la Révolution, lorsqu'elle a été vendue comme bien national. Les bâtiments (l'abbatiale et le cloître, en particulier) ont servi alors de carrière de pierres, d'autres locaux abritant l'école publique jusqu'en 1910

L'abbaye appartient aujourd'hui au Conservatoire du Littoral qui a entrepris de préserver le monument historique classé et son vaste parc naturel de 80 hectares. On peut visiter aujourd'hui la salle de l'aumônerie, où les moines distribuaient aux pauvres, la pressure où ils recevaient des paysans leurs dons en nature, le chauffoir, le grand cellier aux voûtes basses, la «maison des hôtes», avec son grand lit clos à étage, et le réfectoire avec son dallage de tommettes, sa chaire de lecteur et ses cases à couverts.

Dans le cloître, où subsistent quelques rares arcades, on retrouve la niche des lavabos de pierre où l'abbé lavait les pieds et les mains de ses hôtes. La « salle au Duc », qui faisait sans doute fonction d'hôpital, abrite les immenses foudres et le pressoir de la cidrerie qui n'est plus exploitée depuis cinq ans. L'abbatiale enfin demeure imposante, bien qu'ayant été amputée de deux transepts, de sa tour et d'un bas-côté. De salle en ruines, de cour en cloître, on traverse de magnifiques jardins : chaque espace ouvert est fleuri, gazonné ou planté d'arbres ou de buissons.

On peut y voir notamment un immense frêne (sans doute un arbre de la Liberté), un très vieux magnolia fou planté par les moines, qui a la particularité de fleurir toute l'année, et un couple de gingkobilobas (l'arbre préhistorique) plusieurs fois séculaires.

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