1796 : Attentat contre Hoche

Soumis par Bretagne.com le lun, 04/16/2007 - 10:09

Décédé de la tuberculose le 19 septembre 1797, à son quartier général de Wetzlar, où il commandait l'armée de Sambre et Meuse, le général Hoche avait échappé à la mort, un an auparavant, lors d'un attentat au pistolet sur une place de Rennes.

Le traité de la Mabilais, signé le 20 avril 1795 entre le général Hoche et différents chefs de la chouannerie, met fin théoriquement à l'insurrection bretonne. Mais sur le papier seulement car, en fait, il n'apaise pas les esprits. Écrasé par la force, le parti royaliste conserve une rancune tenace contre la République et particulièrement contre Lazare Hoche, son plus sérieux adversaire. Aussi voit-on resurgir des partisans exaltés de la fleur de lys prêts à attenter à la vie du pacificateur de l'Ouest autoproclamé, quitte à y laisser eux-mêmes leur propre existence. Tel est le cas d'un nommé Charles-Martial Teyssière, vivant à Rennes mais soi-disant domicilié à Paris. Teyssière ? C'est du moins le nom par lequel il se fait appeler, car sa véritable identité n'est pas connue de façon certaine. Agent actif du parti royaliste, il se dit marchand de chevaux. Le flou entourant ce personnage tient au fait que, comme la plupart de ses frères d'armes en lutte contre les Bleus, il change fréquemment de patronyme afin de détourner les soupçons. Malgré l'ambiguïté qu'il entretient sur sa vie privée, l'homme est néanmoins connu physiquement de la police. On sait qu'il a 32-35 ans, un long nez, une grande bouche et que son visage est marqué par la petite vérole.

Marché conclu avec un maquignon

Le mieux informé sur son compte est apparemment le général Hoche en personne, lequel, sur la foi de l'un de ses sbires, assure qu'il se nomme en réalité Alexandre Rossignol, maquignon intrigant qui arrondit ses fins de mois dans la chouannerie, où il jouit d'une confiance générale. Quoi qu'il en soit ledit Teyssière se rend, le 13 octobre 1796, à Rennes chez un certain Jean-Marie Moriau, forgeron de son état, habitant rue de Fougères, sous prétexte de lui commander un travail avec la promesse d'une bonne rémunération. L'artisan en question, qui vit misérablement avec sa femme, Jacquette, accepte d'emblée, soucieux, toutefois, de connaître en quoi consiste l'ouvrage. Mais son « client » n'en dit pas plus, se contentant de répondre qu'il reviendra deux jours plus tard pour lui apporter des précisions. Teyssière prend donc congé et, le dimanche suivant, il se rend à l'état-major de l'armée républicaine siégeant à l'archevêché pour parler au secrétaire du général. En fait, il veut savoir si Hoche assistera le soir-même au théâtre, situé rue de la Poulaillerie, à la représentation de la pièce « Charles IX » de Joseph Chénier. Une réponse positive lui ayant été donnée, Teyssière retourne donc comme convenu chez le forgeron afin de lui indiquer ce qu'il attend de lui. Cette fois, le maquignon joue franc jeu : il s'agit ni plus ni moins que d'occire illico presto Lazare Hoche, en contrepartie de 50 louis d'or.

Rencontre au théâtre

Surpris, Moriau, qui adhère aux idées de la Chouannerie ne fait pas immédiatement d'objection. En homme méfiant et près de son porte-monnaie, il demande cependant à être payé d'avance. Pas de chance, Teyssière ne possède pas la somme sur lui, mais, foi de maquignon, jure qu'elle lui sera versée immédiatement après le meurtre. Le bougre remet alors à son homme de main un pistolet chargé, y ajoutant un acompte de six livres pour aller boire un coup sans tarder. Le temps presse, en effet, car Moriau doit se trouver sous peu au théâtre pour y accomplir son oeuvre de haute justice. Problème, toutefois : il ne connaît pas physiquement Hoche. Qu'à cela ne tienne, Teyssière sera là également et il le lui montrera. Marché conclu. À l'heure dite Moriau s'installe donc dans une loge tandis que l'autre s'informe de la place où se trouve le général dont il souhaite « faire la connaissance », selon ses dires.

Balles perdues

Fixé sur ce point, l'instigateur du meurtre désigne au forgeron le fauteuil occupé par Hoche au parterre. « Voilà le luron, ne le manquez pas ! », ordonne-t-il. La représentation terminée, Moriau sort du théâtre, se dirige vers la place Saintt-Melaine et s'embusque dans l'encoignure d'un bâtiment proche du quartier général militaire, dans l'attente de sa future victime. Il fait nuit noire, ce soir d'octobre. Quelques instants plus tard, Hoche arrive en compagnie de deux officiers de son armée. Au moment où le groupe parvient à sa hauteur, Moriau lâche un coup de pistolet, mais n'atteint personne. Les deux balles s'écrasent sur le mur d'une maison opposée. La main du tireur tremblait-elle sous l'effet de l'émotion ou de la boisson absorbée auparavant ? Toujours est-il qu'il s'enfuit en courant poursuivis par les compagnons de Hoche qui le somment de s'arrêter. Alertés par les cris, deux citoyens tentent de barrer la route au fuyard qui se jette dans un fossé où on le retrouve peut de temps après. Interrogé par la police, il dénonce Teyssière comme étant le fomentateur du complot.

Justice rendue ?

Renseignements pris, les enquêteurs se rendent à l'adresse de ce dernier et le trouvent à table, occupé à dîner. L'homme reconnaît être allé chez Moriau mais dans le simple but de faire réparer ses bottes. L'émotion n'en est pas moindre à Rennes à l'annonce du complot. Au point que le ministre de la Police adresse une sévère admonestation à la ville de Rennes pour sa complaisance à l'égard des contre-révolutionnaires. La justice se charge donc y suppléer dans toute sa rigueur. D'autant que, enfermé à la prison Saint-Michel, Teyssière s'évade une première fois grâce à des relations extérieures. Rattrapé, il est transféré à Laval où il récidive dans les mêmes conditions. En conséquence de quoi le procès aura lieu à... Alençon. Informés de la peine de mort prononcée, le 25 février 1798, des insurgés se précipitent sur le parcours de la charrette conduisant leur frère d'armes à l'échafaud. Des coups de feu sont échangés avec les soldats de l'escorte. Bien qu'enchaîné, Teyssière se lève de son siège et s'écroule aussitôt atteint de deux coups de fusil. Qui a tiré ? « Les attaquants », indique le commandement militaire. « Les carabiniers », rectifie un chef royaliste...

Contenus sponsorisés