Moëllien : Un héros de la Royale

Moëllien : Un héros de la Royale

Guy de Moëllien appartenait à l'une des plus puissantes familles de la noblesse bretonne et a combattu avec ardeur les idées révolutionnaires. Cependant, c'est dans la Royale que ce gentilhomme a accompli ses plus hauts faits d'armes à la fin de l'Ancien Régime.

Publié le 02/07/2007
Modifié le 16/05/2018
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Avec sa tour d'angle rappelant les donjons moyenâgeux et son style de château à la française du XVII e siècle, le manoir de Moëllien, à Plonévez-Porzay (non loin de Douarnenez) illustre parfaitement l'architecture civile de la Renaissance bretonne. À l'évidence, ses occupants devaient apprécier le charme de ce havre de paix, principalement les hommes au retour de leurs périlleuses campagnes de mer. Le charme, certes ! Mais aussi le confort. La surface habitable (500 m²) de l'imposante demeure était à peu près le double de la superficie moyenne des gentilhommières en Bretagne. Quant à la seigneurie, elle s'étendait sur plus de la moitié du territoire de la paroisse de Plonévez-Porzay. Objet de légendes, le manoir de Moëllien représentait aussi un haut-lieu de rencontres de l'aristocratie. Le père Julien Maunoir, célèbre missionnaire et auteur d'un dictionnaire de la langue bretonne, y effectua également plusieurs séjours, s'employant à catéchiser les serviteurs de la maison et à guérir les malades. Entre autres miracles accomplis dans ces murs, l'histoire rapporte notamment celui d'un enfant qui avait recouvré la vue suite à une simple onction de l'évangélisateur.

Naissance à Brest

C'est donc dans ce cadre majestueux et emblématique, édifié en 1642 par l'un de ses ancêtres, que va se dérouler une partie de l'existence de Guy de Moëllien, le dernier du nom à occuper le château. Avec la Révolution, commença, en effet, le déclin de la famille irrésistiblement attachée au trône des Bourbons. Toutefois, c'est en la paroisse Saint-Louis de Brest que, le 8 avril 1741, naît le fils de Joseph-René de Moëllien et de son épouse Charlottte Marzin de Kerdreu. S'il n'apparaît pas dans ses états de service comme un foudre de guerre, le papa ne s'en montra pas moins persévérant dans l'idée de servir la Nation. Entré à 16 ans dans la Marine Royale comme garde à Brest, il lui fallut douze années pour parvenir au grade d'enseigne de vaisseau et encore dix autres pour accéder à l'échelon supérieur. Ce qui n'empêcha pas l'un de ses pairs d'écrire au terme de sa carrière, malgré tout bien remplie, que le sieur de Moëllien était un des capitaines de vaisseau qui avait rendu « le plus de services et les meilleurs ». Sans doute un oncle, capitaine frégate bien placé à Brest, y avait-il été pour quelque chose. Mais revenons à son fils Guy.

Le sabre plutôt que le goupillon

Promis, dès le berceau, à un brillant avenir dans la marine, l'enfant a de qui tenir, effectivement, puisque, indépendamment de ses antécédents familiaux, son parrain n'est autre que messire Louis Guy Le Père de Marolles capitaine des vaisseaux du Roy, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis. Quant à la marraine, elle est la veuve d'un ancien conseilleur au Parlement de Bretagne, messire Vincent Guillaume de Moëllien. De sa prime jeunesse et de l'épisode scolaire qui s'ensuivit, on ne trouve pourtant que peu de traces. Mais sachant que seules, à l'époque, Rennes et Quimper disposaient en Bretagne d'un établissement d'enseignement secondaire, l'hypothèse prévaut que c'est au collège, tenu à l'époque par les jésuites dans cette dernière ville, qu'il fit ses études préparatoires à la vie active. Une hypothèse qui semble d'autant plus vraisemblable qu'à Quimper, précisément, résidait un arrière-cousin qui l'aurait hébergé durant cette période. Quoi qu'il en soit, les études terminées, advint pour lui le moment de choisir son orientation. Fort des exploits guerriers auxquels avaient été associés les de Moëllien au fil du temps et dont les récits avaient nourri son enfance, entre le sabre et le goupillon Guy n'hésita pas un seul instant.

Le plouf du premier embarquement

À 16 ans tout juste, le voilà donc qui entre à l'école des sous-officiers de la marine de Rochefort en 1767. Pourquoi celle-ci alors que Brest en possédait une identique ? La raison en est, dit-on, que messire de Moëllien père avait opté pouur le port charentais afin d'éviter que son fils ne soit à Brest l'objet de quolibets de la part de ses condisciples, eu égard à ses laborieux débuts dans le corps d'armée maritime. Mais le jeune garde de Moëllien, lui, n'a que faire de cela. Il porte beau et fait honneur à la famille dans son uniforme bleu roi, sa culotte de drap écarlate et son chapeau bordé d'or, paré en quelque sorte pour les batailles navales à venir. En attendant, il lui faudra néanmoins assimiler les sciences inhérentes à la profession et se livrer à des exercices destinés à éprouver ses aptitudes physiques. Le premier embarquement eut lieu l'année suivante à bord de la « Terpsichore ».

La mort à Brech

Hélas, la campagne d'application tourna court. Quatre mois seulement plus tard, le vaisseau faisait naufrage sur les lieux mêmes de son port d'attache. Commença, dès lors, pour Guy de Moëllien une véritable aventure qui, d'un bâtiment à l'autre, le conduisit quasiment sur toutes les mers du monde. Promu enseigne de vaisseau à l'âge de 25 ans, le jeune officier découvre alors un autre versant de la vie. Convoité par de nombreuses demoiselles de la haute société, il jette en définitive son dévolu sur une ravissante fille qu'il a connue à Quimper et qui, de surcroît, porte le même patronyme que lui : Marie-Louise de Moëllien, née au manoir de Kerdrein en la paroisse de Brech, près d'Auray. Célébrée en juin 1776, l'union n'interrompt pas pour autant la carrière du nouveau marié. Tandis que s'intensifient les hostilités avec l'Angleterre et que vient au monde son premier enfant, Guy de Moëllien rejoint, en 1778, le « Roland » pour de prétendues manoeuvres. En fait, l'escadre dont fait partie son vaisseau se retrouve face à une armada anglaise au large d'Ouessant. Le combat s'engage et de Moëllien reçoit, en la circonstance, le baptême du feu. D'autres échauffourées du même type émailleront la suite de son parcours. Celui-ci prendra fin en 1784 avec le désarmement de la « Sincère » dont il assurait le commandement. Troué de coups de baïonnettes, dont l'un l'avait laissé pour mort, il s'éteindra dans le manoir familial de son épouse, à Brech, le 5 juillet 1816, laissant outre-tombe le souvenir d'un des derniers héros de la Royale à la fin de l'Ancien Régime.

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