La belle santé du parc d'Armorique

La belle santé du parc d'Armorique

Deuxième site classé en France et pionner en Bretagne, le parc naturel d'Armorique fête ses 50 ans. Abritant les monts d'Arrée et la presqu'île de Crozon, deux des sites les plus remarquables de Bretagne, il profite de l'attrait grandissant pour la région. Portrait dune réussite environnementale et humaine. 

Publié le 07/05/2019
Modifié le 02/08/2019
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La belle santé du parc d'Armorique

Les expéditions débutent généralement au plus bas et gagnent les hauteurs, lignes de mire de nos esprits aventureux. Ici, à l’inverse, nous démarrons sur le toit de la Bretagne, au cœur des monts d’Arrée. Sur cette ligne de partage où les abondantes eaux de pluie doivent choisir entre Manche et Atlantique, l’esprit vagabonde sur les crêtes pelées et sous un ciel bas. Le dépaysement est total en ces lieux quelque peu désertiques. Entre Roc’h Trévézel et la montagne Saint-Michel, la lande s’étend à perte de vue, à peine ponctuée de quelques hameaux tranquilles. Tout nous transporte dans le passé ou dans un ailleurs, proche des troublants Highlands d’Écosse. Au premier coup d’œil, l’homme ne semble pas avoir beaucoup influencé ce paysage de roches et de végétation basse. On imagine juste l’exploitation de la tourbe ou des ajoncs et le pâturage de quelques troupeaux çà et là. Pourtant, à l’origine, c’est bien lui qui a défriché les forêts d’autrefois et favorisé le développement de cette flore si particulière. Mis à nu et lessivés, les sols se sont peu à peu appauvris, laissant place aux landes sur les pentes et aux tourbières dans les vallons humides. La nature s’est, comme toujours, remarquablement adaptée. Et si la main de l’homme a modelé ce paysage, elle continue encore à œuvrer pour le maintien de cette physionomie si particulière. Car malgré leur aspect inculte et rude, ces espaces fournissent une litière idéale pour les bêtes. Depuis des siècles, les paysans ont donc appris à cohabiter avec les landes et à en vivre. Leur fauche fait partie du patrimoine local, presque génétique pour certains. Daniel Marhic et Jean-Luc Messager sont de ceux-là. Pour ces enfants du pays, qui ont pris la relève familiale, les landes représentent un pourcentage non négligeable des exploitations. Installés à Plounéour-Ménez, ils gèrent respectivement 40 et 120 hectares de landes.

Fauche lente et délicate

En quoi le parc naturel régional a changé cette activité ? « En offrant un répit bienvenu aux exploitants». Car à une époque où le remembrement a bouleversé les paysages ruraux, la gestion de ces espaces peu productifs paraissait très menacée. Le parc a alors offert une opportunité, en jouant l’intermédiaire entre agriculteurs et financeurs afin de favoriser les aides à la gestion. Celles-ci visent à compenser le faible rendement de ces milieux et le surplus financier, notamment matériel, que représente son exploitation.

Car les landes sont sept à huit fois moins productives qu’une culture classique de céréales par exemple, mais surtout le terrain accidenté et les pierres rendent la fauche bien plus lente et délicate. «Le matériel souffre et les barres de coupe peuvent y laisser des plumes.» Et si la fauche manuelle d’antan, à la faux et à la faucille, a désormais disparu, l’outillage reste basique. Les landes sont fauchées en rotation environ tous les cinq ans pour permettre un renouvellement végétal suffisant. En août et septembre généralement, après la floraison. Les cahiers des charges sont très précis sur ce point car, en contrepartie des aides financières, cette gestion doit aussi permettre la conservation de certains oiseaux nicheurs devenus rarissimes, tels les busards et le courlis cendré. Emblème de ces milieux ouverts, ce dernier connaît ici ses derniers bastions bretons. Et la gestion par fauche prend tout son sens car elle tient compte de ses exigences écologiques. Sans elle, le milieu tend à se fermer, la végétation s’appauvrit et devient moins attractive. L’entretien des landes représente donc le compromis idéal à l’échelle du parc, favorisant une riche biodiversité tout en demeurant intéressante et rentable pour les agriculteurs… tout au moins grâce aux aides. Car les mesures agro-environnementales, ou autres subventions essentiellement européennes, sont régulièrement remises en question. En 2015 par exemple, la réforme de la politique agricole commune entraîne des changements: les landes ne sont plus considérées comme terres cultivées si elles ne sont pas fauchées annuellement! Un non-sens et un problème, car les soutiens financiers dépendent de ce classement. Avec l’aide du Parc, Daniel et Jean-Luc montent alors au créneau pour faire entendre leurs voix auprès de l’Europe. Un bras de fer de presque deux ans pour faire comprendre l’intérêt des landes et le fonctionnement de ces milieux si particuliers, bien éloignés de l’agriculture productiviste ordinaire. Les irréductibles Bretons auront gain de cause en 2017. Mais comme rien n’est jamais acquis, ils demeurent prudents. Comme par le passé, le futur visage des monts d’Arrée dépendra directement du devenir des hommes qui y vivent.

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